Un véritable cocktail Molotov de sentiments

Tempestad en víspera de viernes est un véritable cocktail Molotov de sentiments

Le regard perturbant et hypnotisant de la Kill Bill espagnole du vers. Si la poésie en espagnol avait besoin d’un coup de fouet, le lecteur le trouvera chez Lara Moreno, qui réunit dans ce recueil publié en 2020 son œuvre poétique antérieure, en y ajoutant ce qu’elle a créé lors de ces années claustrophobiques de crise et de pandémie. Un véritable cocktail Molotov de sentiments et de subjectivité sans pleurnicheries puériles tout droit jeté contre les portes du ciel.

Madrid. Un seul horizon de liberté : invoquer l’arrivée du week-end pour faire irruption dans le vomitoire de ses rues et y déverser l’anxiété de nos jours, comme un incontinent qui défait sa braguette au premier coin de rue aperçu. Tel est le scénario de la vie de l’auteure depuis près de 20 ans. Lara Moreno, romancière qui raconte comme si elle écrivait de la poésie, écrit de la poésie comme si c’était de la prose. Elle nous y raconte beaucoup de choses ; beaucoup de trahisons subies ou orchestrées, le plus souvent avec rage et viscéralité, et même avec une douceur improbable dans les étriers de certains poèmes.

Dérangeante et rafraîchissante à la fois, cette auteure a la vertu de se plonger dans les misères intimes de la vie sans se camoufler derrière des excuses ni blanchir les alibis de ses compagnons de crime. Gênante et libératrice, Tempestad en víspera de viernes [«Tempête la veille du vendredi »] montre le chaos des sentiments provoqués par l’acuité des désirs pris un à un. Avec ce recueil, Lara Moreno pointe ses propres entrailles avec un projecteur, certes fluorescent mais surtout réfléchissant et destiné à ceux qui ne veulent pas se reconnaître dans un miroir. 

Ce n’est pas un exutoire, c’est du lâcher-prise. Derrière cette œuvre poétique qui semble délabrée et impulsive transcende une proposition très cérébrale, très stratégique. En tant qu’écrivain, elle tient en équilibre l’aiguille d’une balance, sur les plateaux de laquelle on voit s’agiter ceux qui n’ont pas encore réussi à faire tomber la femme en suspension précaire au-dessus de l’abîme.

L’auteur

Lara Moreno, née en 1978, n’a pas encore été traduite dans d’autres langues que l’espagnol. Sa voix pointe clairement vers l’une des notes toniques de la génération qui accède à peine aux commandes de la société espagnole : une absence totale d’autocomplaisance.

«Qui peut lire des siècles d’Histoire et ne pas en refermer le livre, las d’avoir lu les mêmes choses à des dates différentes ?» 

León Felipe

Lisez des livres : utilisez le passe-partout qui ouvre toutes les portes

Depuis que le monde existe et que les gens y vivent et le parcourent, les mêmes choses se sont fondamentalement toujours produites, une génération après l’autre. Les livres racontent tout avec leur voix sans hâte, et ce depuis des temps immémoriaux. La littérature est le microscope minutieux et infaillible qu’a inventé l’être humain pour s’observer dans le miroir de sa conscience sans pouvoir détourner le regard. La vérité kaléidoscopique de la littérature hypnotise comme un abîme et libère comme celui à qui il pousserait des ailes. Vous souhaitez être informé ? Lisez des livres. Vous aspirez à comprendre l’actualité au-delà du déguisement qu’on lui fait revêtir ? Lisez des livres. Vous avez l’impression d’être une marionnette dans le troupeau crédule et indistinct des jours ? Lisez des livres.

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